Discorso
30 giugno 2010

D'Alema eletto primo presidente della Foundation of European Progressive Studies

VERSIONE FRANCESE

Assemblée Générale de la Fondation européenne d’études progressistes

Bruxelles, 30 juin 2010


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Cher(e)s ami(e)s,

Permettez-moi d’abord de vous dire tout le plaisir que j’éprouve à me trouver parmi vous en ce lieu et d’avoir ainsi l’opportunité d’embrasser d’un seul regard cette famille politique progressiste européenne qui est la mienne, réunie aujourd’hui et représentée dans sa diversité.

Si la FEPS doit agir comme une plateforme permettant de rassembler ceux qui souhaitent travailler à l’avenir du projet progressiste européen, comme une interface facilitant les échanges et le dialogue ainsi que ses statuts le précisent, nous en avons là, je crois, une belle illustration.

Car c’est bien toute la force et la valeur ajoutée de cet instrument politique qu’est la Fondation, celle d’offrir un lieu où la connexion entre débats nationaux et européens peut s’établir, où les expériences des uns peuvent inspirer et enrichir celle des autres, où les synergies peuvent se réaliser.

J’ai toujours été convaincu de l’importance de la recherche intellectuelle et ai toujours soutenu l’intégration européenne, sur le plan de la politique, des programmes, de la vision du futur. Ce n’est donc pas un hasard si je suis à la tête, depuis dix ans, de la Fondation Italianieuropei, fondation culturelle des citoyens italiens qui se sentent également citoyens européens. C’est donc un honneur d’endosser aujourd’hui, grâce à votre précieux soutien, la responsabilité de présider aux destinées d’un tel espace européen de débat, à un moment où la lutte pour les idées et la recherche de nouvelles idées sont plus que jamais d’actualité.

Car c’est bien de cela dont il s’agit: la lutte aujourd’hui pour les idées de demain. Depuis le début de cette terrible crise économique, financière et sociale, nous autres, progressistes européens, avions pensé que la social-démocratie sortirait renforcée de ce qui semblait constituer la fin d’un cycle dominé par l’ultralibéralisme, l’illusion de l’infaillibilité des marchés et de l’argent. On réhabilitait les vertus nos valeurs telles que la transparence, la régulation, le contrôle démocratique et la justice sociale - des valeurs en lesquelles nous avons toujours cru.

Force est de constater qu’aujourd’hui, la majorité de notre continent est gouvernée par des conservateurs, et que le déclin du néolibéralisme s’est fait à la faveur d’une droite populiste et nationaliste, voir ouvertement raciste et réactionnaire.

Nous faisons face à de tumultueux changements de la politique mondiale. Avec l’avènement d’Obama, les Etats-Unis ont donné vie à une nouvelle approche multilatérale des relations internationales, longtemps invoquée en Europe. Avec l’émergence, parfois explosive, de nouveaux acteurs sur la scène internationale (je pense à la Chine, au Brésil, à l’Inde), le multilatéralisme risque de prendre une tournure différente, qui réduirait l’Europe à une marginalité inexorable, parce qu’elle n’est pas unie. Nous l’avons vu récemment dans l’hésitation sur les réponses à donner à la crise spéculative qui a saisi la Grèce. Face aux difficultés d’un pays de l’Union, les gouvernements européens se sont montrés peu enclins à considérer cela comme un problème commun et qu’il concerne tout le monde, allant jusqu’à mettre en doute l’existence même de l’euro, qui est notre plus grande conquête.

Il est apparu clairement au monde que l’Europe continue de raisonner comme la somme de ses gouvernements nationaux, et non comme un sujet politique unitaire. L’inadéquation de ses instruments politiques et économiques est devenue évidente. L’Union a manqué, une fois encore, d’une volonté politique claire d’affronter cette crise ensemble, et la Bourse a aggravé la situation en réagissant immédiatement à chaque petit signe d’hésitation. Il a manqué à l’Union un projet pour la croissance, l’innovation, le travail.

Le risque aujourd’hui est que notre continent prenne le chemin d’un déclin économique qui pourrait devenir également politique, civique et culturel. La peur est un instrument puissant : dans de nombreux pays, la droite a conquis le pouvoir en utilisant largement son vocabulaire. Avec une vision de l’Europe plutôt instrumentale et réduite aux intérêts individuels des Etats, la droite a entretenu un phénomène de « renationalisation » du débat et de la politique contre lequel la gauche n’a pas pu lutter suffisamment fort pour le contrer.

Depuis deux ans, le travail mené depuis deux ans par la FEPS a déjà exploré de nombreuses pistes pour tenter de répondre à ces questions. Elle a ainsi réussi à s’ancrer dans le paysage politique progressiste européen et est reconnue comme un lieu de référence de la pensée et de la recherche intellectuelle.

Grâce à son équipe, d’abord, menée par notre secrétaire général Ernst Stetter, et qui n’a pas compté ses heures. Grâce à sa direction, ensuite, notre Bureau, qui a piloté avec brio le travail de ces deux premières années d’existence. Enfin, grâce à vous tous, ses membres, et en particulier les fondations politiques et les think tanks nationaux, sans qui cette aventure politique européenne n’aurait pas obtenu le succès que nous lui connaissons.

La valeur ajoutée d’une institution comme la FEPS réside dans la capacité à constituer un moteur, un catalyseur de la recherche politique, et de pouvoir mettre en réseau le travail de réflexion et d’approfondissement réalisé par ses membres. A cet égard, la FEPS devrait, selon moi, articuler et amplifier son action de recherche dans deux domaines : un projet pour l’Europe, et notre vision du monde.

Pour le premier – un projet pour l’Europe -, il me semble que la perte de confiance des citoyens de l’Union doit nous obliger à repenser notre projet pour une Europe progressiste. Il est nécessaire de développer une réflexion sur les nœuds de cette crise européenne. La crise financière, économique, sociale et ses nombreuses répliques nous a montré qu’il était aussi devenu urgent de le faire en termes durables et soutenables. Mais au-delà de ses dimensions économique et financière, il est essentiel aujourd’hui que cette réflexion sur la crise européenne se place également sur le plan de l’analyse de la société en termes de travail, d’inclusion et d’exclusion sociale, d’identités, de migrations. Des thèmes complexes, qui concourent de manière déterminante à la formation de l’opinion publique et dont l’étude doit soutenir le travail de recherche mené par la FEPS dans le domaine économique.

La question de nos valeurs et de leur formulation, de leur vocabulaire, est donc fondamentale : nous avons peut-être trop utilisé ce langage du capitalisme mondialisé, qui nous a freinés dans notre volonté de réparer les inégalités grandissantes qu’il a engendrées et qui, du même coup, nous a fait apparaître aux yeux des citoyens comme ayant une part de responsabilité dans cette crise et ses conséquences.

Il serait peut-être bon de réexaminer le temps où nous avions le soutien des Européens et de réfléchir sur notre expérience politique de ces vingt dernières années, car il me semble que nous n’avons pas encore vraiment appréhendé toute l’opportunité de l’intégration politique européenne et que nous sommes restés « coincés » dans nos cadres démocratiques nationaux.

Pour le deuxième - notre vision du monde -, nous devrions commencer à regarder le monde sans eurocentrisme, et prendre acte du fait qu’il y a beaucoup à apprendre des progressistes et démocrates aux commandes de pays qui comptent parmi les acteurs principaux des changements du monde.

Il faut développer et élargir le réseau de contacts avec des centres de recherche et de pensée analogues à la FEPS dans ces pays acteurs sur la scène internationale qui sont aujourd’hui gouvernés par des forces progressistes de diverses natures. Nous savons bien que l’innovation naît souvent de la confrontation des expériences – c’est d’ailleurs l’une des raisons d’être de notre Fondation. Je crois qu’un dialogue de cette nature peut constituer une richesse pour notre travail de réflexion politique au service d’un projet réformiste.

Si l’enjeu est de taille en termes d’idées, il l’est également en termes de moyens. Il ne suffit pas d’avoir les bonnes idées, il faut également gagner la bataille de l’explication. A cette fin, notre Fondation possède l’atout précieux de la complémentarité de ses membres : la réflexion intellectuelle progressiste d’une part, incarnée par les fondations et think tanks ; l’action politique, d’autre part, incarnée par les partis et les groupes.

Aux premiers, le temps du défrichage, à moyen et long terme, avec le monde politique, universitaire, culturel, syndical ; aux seconds la proposition politique aux citoyens, la veille démocratique et la mobilisation.

L’expérience de ces deux premières années de travail commun, reposant sur une relation privilégiée de confiance mutuelle, nous ont prouvé qu’il était possible de parler d’Europe autrement, « d’européaniser » davantage le débat citoyen et que, si nous peinons aujourd’hui à convaincre les Européens, leur esprit critique demeurait toujours vif et désireux de dialogue.

Notre Fondation nous offre l’opportunité de toutes les coopérations, de tous les partenariats et de toutes les synergies : utilisons-là aussi à cette fin puisqu’elle est un laboratoire et que grâce à cette complémentarité en son sein, elle peut agir comme un lieu ouvert de rénovation de la pensée, curieux, à l’écoute, tout en s’inscrivant dans une orientation progressiste clairement affirmée. Elle apporte la valeur ajoutée d’un réseau qui ne se pose pas en concurrence avec les autres, mais comme un centre qui favorise et stimule le travail commun entre les divers centres de recherche et de pensée progressistes en Europe.

Dans ce travail qui est le nôtre, je suis convaincu que nous devrions porter une attention particulière aux jeunes générations, qui se sont largement abstenus aux dernières élections européennes. Ces jeunes sont nés dans une Europe déjà unie, considèrent comme acquises des opportunités impensables il y quelques décennies seulement. Ils passent librement des frontières sur lesquelles des millions de vies ont été perdues et n’en sont avertis que lorsque l’opérateur de leur mobile change. Ils utilisent l’Europe, apprennent de nouvelles langues, étudient ou travaillent dans les 27 pays de l’Union.

Il nous faut donc savoir leur parler de cette réalité à laquelle ils sont plus sensibles pour toutes ces raisons. Ce sont eux qui auront en main le destin de cette immense richesse qu’est l’Europe, dont nous oublions trop souvent la valeur.

J’ai pour conviction qu’une Europe forte ne peut que bénéficier aux Européens, tout comme elle ne peut que bénéficier à la gouvernance des équilibres internationaux. L’Europe de demain sera jugée sur ses capacités à répondre aux défis mondiaux d’aujourd’hui. Voilà donc notre feuille de route pour les années à venir : l’invention de ce nouveau modèle de société, qui ne soit pas la répétition de l’ancienne expérience de l’Etat-Providence, qui transcende l’expérience du réformisme strictement national, ce qui signifie d’aller au-delà de la pensée social-démocrate qui a caractérisé le siècle dernier. Et il s’agit aussi d’être capable de dépasser les peurs qui alimentent le succès des droites en Europe et de rendre aux peuples à la fois l’espoir en un avenir meilleur et la possibilité de se le réapproprier.

C’est donc en éclaireur, en défricheur, en laboratoire d’idées au service de l’élaboration de ce nouveau modèle que la FEPS doit continuer d’agir. Je suis convaincu que le travail de production intellectuel de la FEPS se poursuivra avec cette même volonté d’aiguiser notre réflexion politique. Cela se fera naturellement en synergie avec le PSE et le Groupe S&D au Parlement européen - dont je salue les présidents respectifs, Poul Nyrup Rasmussen et Martin Schulz – et sous l’œil avisé de notre nouveau Conseil scientifique.

Ce travail a pour ambition non seulement d’enrichir les propositions politiques de nos partis progressistes, nationaux et européens, mais également de redonner aux citoyens européens la confiance dans nos capacités non seulement à incarner l’alternative, mais également à la mettre en œuvre concrètement et au quotidien. C’est donc avec conviction que je mets aujourd’hui mon parcours politique au service d’une présidence que je souhaite réfléchie et .responsable. Je m’y engage pleinement et activement, avec la curiosité et l’ouverture d’esprit de celui qui souhaite élargir la réflexion et lui donner davantage d’ampleur et de résonance, pour que la FEPS garde cette valeur ajoutée de carrefour intellectuel, riche de la diversité des acteurs qu’elle permet d’y rassembler.

Je vous suis très reconnaissant pour votre confiance et nous souhaite à tous un bon travail, en étant convaincu que nous saurons relever le défi de cette belle entreprise qu’est la rénovation de la pensée progressiste et la lutte pour l’affirmation de nos valeurs, fondées sur la démocratie, les droits des individus et la justice sociale.

Merci beaucoup.

Photo: Thomas DELSOL/FEPS

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