Intervista
9 maggio 2014

Affaiblir l’Union européenne serait une catastrophe

Inervista di Dominique Perrin - Challenges - versione francese


Alors que la journée de l’Europe est célébrée ce 9 mai dans tous les pays de l’Union, l’ex-chef de gouvernement italien analyse l’actuelle vague d’euroscepticisme.
Figure de la gauche italienne, Massimo D’Alema, ancien responsable du Parti démocrate, a été président du conseil italien de 1998 à 2000 et ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Romano Prodi de 2006 à 2008. Aujourd’hui président de la Fondation européenne d’études progressistes, il publie "Il n’y a pas que l’euro…" aux éditions Saint-Simon.

Le projet européen séduit de moins en moins les citoyens qui devront élire leurs députés le 25 mai. La crise économique explique-t-elle cette vague d’euroscepticisme ?

Bien sûr, l’une des raisons pour lesquelles les citoyens se méfient de l’Union européenne, c’est qu’elle n’a pas été capable de donner une réponse forte à la crise économique, ni de pourvoir les pays en emplois et en croissance. L’Europe souffre aussi de sa structure bureaucratique, qui l’éloigne des citoyens. Et elle est prisonnière de ce dogme de l’austérité, de cette idéologie selon laquelle l’emploi viendrait de l’austérité et des réformes structurelles.

Faire preuve d’euroscepticisme serait alors une preuve de bon sens ?

Je pense en effet qu’il y a des raisons à ce sentiment, même si, personnellement, je suis non sceptique, je crois à l’Europe. En revanche, les réponses des eurosceptiques sont erronées. Dissoudre l’euro ou affaiblir l’Union européenne serait une catastrophe.

Dans votre livre, vous insistez sur la faiblesse politique en Europe…

Je pense qu’en Europe, la crise est davantage politique qu’économique. La faiblesse de la dimension politique en Europe rend difficile toute réponse efficace à la crise économique. Les Etats-Unis, eux, ont décidé de soutenir la relance économique par une intervention de l’Etat et de forts investissements publics. L’Europe n’a pas les institutions capables de prendre ce type de décision.

Fallait-il attendre que la croissance reparte pour tenter de réduire les déficits publics en Europe ?

La diminution des déficits publics pourrait s’étaler sur quatre ou cinq ans de plus que ce qui est prévu par les traités. Je pense également qu’il est fou de considérer les investissements comme de la dépense. Car cela a poussé les gouvernements nationaux à couper dans les investissements, qui sont nécessaires pour relancer la croissance, plutôt qu’à réduire leur dépense publique.

Vous faites campagne en Italie pour le Parti démocrate – sans être candidat aux élections - et aimeriez devenir Commissaire européen de l’Italie. Comment tentez-vous de convaincre les électeurs que l’Europe peut être un projet motivant ?

Déjà, je pense qu’il n’y a pas que deux possibilités : être pour l’Europe et l’austérité qui va avec ou être contre l’Europe et la destruction de ce qui a été construit pendant un demi-siècle. Il y en a une troisième possibilité : changer l’Europe. Il faut donner plus de pouvoir au Parlement et faire de la Commission une sorte de gouvernement de l’Union. C’est d’ailleurs une bonne chose que le prochain président de la Commission soit issu du parti qui gagnera les élections européennes. Un vrai pouvoir politique permettra de lancer un plan d’investissement européen et d’avoir une politique fiscale coordonnée.

Le Mouvement cinq étoiles de Beppe Grillo, qui parle de sortir de l’euro, est crédité de plus de 25 % des intentions de vote en Italie. Comment expliquez-vous ce succès ?

Ce n’est pas une nouveauté. Beppe Grillo est l’héritier d’un sentiment anti-européen diffusé en Italie par Silvio Berlusconi et la droite. On le voit dans les sondages, la croissance de son Mouvement arrive au moment du déclin de Berlusconi. Ce populisme est dû à la crise économique et à la perte de confiance envers les partis politiques. Je pense que le nouveau chef du gouvernement, Matteo Renzi, apporte une réponse forte à cette crise.

Le Premier ministre français, Manuel Valls, et le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, tous deux représentants de la gauche sociale-libérale, se sont rencontrés à Rome le 26 avril. Croyez-vous à un nouvel axe franco-italien en Europe pour mieux sortir de la crise ?

Je n’ai pas beaucoup de confiance dans la politique des axes ! Il ne faut pas que l’Italie et la France s’opposent à l’Allemagne et à la Finlande, il faut se battre pour une politique de croissance et d’emplois. J’espère que le centre gauche et les socialistes vont gagner les élections et que la coopération entre les gouvernements de centre gauche sera importante, pour changer la politique européenne.

Le conflit en Ukraine peut-il favoriser un sentiment plus europhile au sein de l’Union ?

Au delà des critiques au sein de l’Union, il faut savoir voir ce qui se passe en Ukraine, où le peuple continue à regarder l’Europe avec espoir. Après la chute du mur de Berlin, au début des années 90, le PIB ukrainien et le PIB polonais étaient très proches. Aujourd’hui, la Pologne, qui a intégré l’Union en 2004, est deux fois plus riche que l’Ukraine. Cela veut bien dire que l’Europe n’est pas une si mauvaise solution.

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