Intervista
11 febbraio 2012

«L’EUROPE? CHANGEONS!» (Versione francese)

Intervista di David Coppi, William Bourton, Maroon Labaki – Le Soir


A la rédaction du Soir, vendredi après-midi: leçon de politique européenne d’un autre type. Par Massimo D’Alema, l’ancien chef du gouvernement italien (et possible futur président de la République ?). Qui morigène l’Eurogroupe. Condamne l’austérité. Appelle à une politique alternative de croissance, de développement. Et croit à la victoire du centre-gauche à Paris demain, puis à Berlin, à Rome…
Nouvelle secousse en Europe : la Grèce vient d’être priée, par l’Eurogroupe, de revoir sa copie. Il faut, dit-il, plus de rigueur, plus d’austérité. C’est normal ?
La gestion de la « crise grecque » est un exemple éclairant de l’absence de vision, de leadership européen. La « crise grecque » est précisément le résultat du manque d’initiative européen, du manque de solidarité. Car la Grèce pèse moins de 3 % de l’économie européenne globalement : il n’y a pas là, en soi, de quoi mettre en difficulté la zone euro.
Nous sommes confrontés – ce qu’a écrit, entre autres, Paul Krugman, Prix Nobel d’économie en 2008 – au désastre, à la faillite de la politique d’austérité. Qui étrangle l’économie. Qui impose des sacrifices insupportables. Même s’il y a historiquement une responsabilité de la droite grecque, qui avait jadis truqué les chiffres budgétaires du pays. Mais là encore : qui donc avait laissé entendre à l’époque que l’on pouvait ne pas respecter le Pacte de stabilité ? Qui ? La droite française et allemande ! Avec Berlusconi ! Et maintenant, ils disent : « Austérité, austérité, austérité ! »
C’est exactement ce que redemande l’Eurogroupe à la Grèce. En substance : « Revenez dans une semaine, avec des mesures plus dures ! »…
J’espère que l’on trouvera un accord. Mais cette expérience nous montre que nous avons besoin d’un changement profond, de réorienter les politiques européennes : pour la relance, l’emploi, la solidarité ; pour une vraie gestion commune de la dette ; pour la création d’euro-obligations ; pour une taxe sur les transactions financières… Il faut une stratégie européenne de redressement économique. Et de résorption des inégalités, qui sont au cœur de la crise actuelle en Europe. En réduisant le pouvoir d’achat, on réduit notre marché intérieur européen… Il faut une gouvernance économique. Une politique dynamique pour l’emploi des jeunes…
Cela étant, j’ajoute : non, ce que fait l’Eurogroupe, ce n’est pas un bel exemple de solidarité européenne. Cette semaine, ils ont eu un langage très dur. Un message qui n’est pas acceptable. Or, l’Union ne doit pas être le FMI des années septante, celui qui imposait des plans drastiques en Amérique latine !
Vous avez cité une série de politiques alternatives. Mais quelle chance ont-elles de voir le jour ?
Tout doit recommencer par un changement politique. Car nous ne sommes pas en présence aujourd’hui de l’Europe véritablement…, mais de l’Europe conservatrice, de droite. Nuance. La droite, avec sa philosophie. Moi, je suis pour la rigueur, pour la responsabilité fiscale et budgétaire, et le centre-gauche en Italie a toujours opéré dans ce sens : chez nous, Berlusconi avait hérité de notre gouvernement une dette égale à 103 % du PIB et d’un « spread » (la différence entre le taux d’intérêt appliqué à un pays et celui de l’Allemagne, NDLR) de 34 points, qui sont devenus respectivement 120 % et 500 points après trois ans d’exécutif de droite ! Je veux dire par là que la gauche n’est pas le parti de la dette, de la dépense, comme on entend parfois. C’est le contraire. La rigueur s’impose, mais il faut en même temps une stratégie de relance, de croissance, de développement – du reste, sans laquelle il devient même impossible de payer la dette !
Soit, mais la gauche n’est pas toujours sur la même ligne sur la gouvernance économique, sur les transferts de souveraineté…
Je ne crois pas. C’est vrai que, historiquement, nous avons des responsabilités : dans la deuxième moitié des années nonante, quatorze gouvernements européens sur quinze étaient aux mains des sociaux-démocrates ! Le conservateur espagnol Aznar participait quasiment à des conseils de l’Internationale socialiste ! Et là, nous avons perdu une occasion de faire un pas en avant dans la construction européenne, avant l’élargissement. Nous étions divisés entre les tenants de l’Etat-nation et ceux de la « troisième voie » blairiste, une vision optimiste de la mondialisation… Résultat : nous n’avons pas fait ce qu’il fallait faire.
Aujourd’hui, le socialisme européen, et plus généralement le centre-gauche européen – je pense aussi à la probable future coalition rouge-verte en Allemagne –, est très « pro-européen », et de façon unifiée. Nous avons tous compris qu’il faut une Europe plus forte.
Concrètement ?
Concrètement, il y a notre projet « Renaissance européenne », qui va accompagner durant un an et demi les trois campagnes électorales, en France, en Allemagne, en Italie. Trois élections qui peuvent changer le visage de l’Europe, dans trois pays qui rassemblent 200 millions d’Européens sur 330 millions dans la zone euro.
Les 16 et 17 mars, nous serons tous à Paris, en séminaire d’abord, ensuite en meeting avec François Hollande, et nous livrerons alors une « Déclaration commune » sur l’Europe, qui sera un pilier des trois campagnes électorales. Elio Di Rupo sera à Paris, évidemment. Cette « Déclaration », nos fondations, nos centres d’études, y travaillent ensemble. La faillite de la politique d’austérité est sous nos yeux. Sans croissance, sans développement, quel avenir ?

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